La communication est l’étoffe même de nos vies, qu’elle se manifeste dans nos relations familiales, amicales, professionnelles, ou au-delà. Malgré cette omniprésence, il est surprenant de constater à quel point nous sommes rarement formé·e·s à la maîtrise de cette compétence essentielle. Trop souvent, nous nous retrouvons confronté·e·s à des impasses, des frustrations, des malentendus, et même des conflits qui érodent nos relations.
Comment pouvez-vous transformer ces obstacles en opportunités de croissance et de compréhension mutuelle? C’est là que le «dialogue en présence» entre en jeu.
La présence: être entièrement dans l’ici et maintenant
La première pierre angulaire du dialogue en présence est la présence. Elle repose sur trois bases solides: la pleine présence, la présence attentive, et la qualité de présence.
La pleine présence, c’est la capacité et l’aptitude à vous ramener à ce qui se passe en vous et hors de vous, mentalement et physiquement. Elle inclut l’observation de votre environnement extérieur, de vos interactions avec cet environnement, ainsi que de ce qui se passe dans votre corps et votre esprit, simultanément. La présence est l’antidote à l’égarement et à la distraction. Elle permet de faire des choix judicieux. Elle vous protège également des tendances habituelles qui génèrent des actions défavorables pour vous-même et pour autrui.
La présence attentive, c’est l’habileté à focaliser ou à recueillir les fonctions mentales autour d’un objet de méditation, qu’il soit corporel (les sensations physiques, la respiration) ou mental (le ressenti, les perceptions, les états mentaux). Ce recueillement est l’antidote à la dispersion et à la distraction, favorisant l’apaisement et la libération de l’esprit.
La qualité de présence est équivalente à une attitude ou une perspective sur les choses, sur soi, et sur le monde. Elle dépend de la manière dont vous êtes témoins de vos états physiques et mentaux. Peu importe si les expériences sont déplaisantes ou plaisantes, la qualité de présence peut toujours illuminer ces expériences avec une intention bienfaisante.
Par exemple, dans une situation de dialogue difficile, vous pouvez vous ramener dans votre environnement immédiat, pour vous «sortir de votre tête», et vous déposer dans vos sensations corporelles. En ramenant, instant après instant, votre attention à un pilier intérieur, vous retrouvez une posture de présence bénéfique pour vous-même et pour l’autre. Vous êtes plus en mesure de voir passer, en vous et en l’autre, les pensées critiques, jugeantes et désapprobatrices, et ce, sans y réagir.
L’altruisme: cultiver la connexion
Le deuxième pilier du dialogue en présence est l’altruisme, qui englobe l’amour bienveillant, la compassion, et la réjouissance.
L’amour bienveillant consiste à exprimer la nature claire et libre du cœur et de l’esprit, pour le bien de tous les êtres, vous-même inclus. C’est l’expression à travers toutes les actions physiques, les paroles, et les pensées du souhait que «tous les êtres aient le bien-être et la joie, et les causes du bien-être et de la joie». L’amour bienveillant est l’antidote à la malveillance et à l’animosité.
La compassion est une réponse intrinsèque face à la souffrance, la vôtre comme celle des autres. Elle exprime la nature dynamique et active du cœur et de l’esprit: elle est ce souhait profond que «tous les êtres soient libérés de la souffrance, et des causes de la souffrance». La compassion est l’antidote à la cruauté, à la haine et à l’agressivité.
La réjouissance est une expression de gratitude et de célébration. Elle exprime la qualité intrinsèquement joyeuse du cœur et de l’esprit. Nous souhaitons ainsi que «tous les êtres puissent savourer et profiter de leurs succès, de leurs réussites et de leur prospérité». La réjouissance est l’antidote à la jalousie, au mécontentement et à l’envie.
Par exemple, dans une conversation difficile, vous pouvez cultiver l’amour bienveillant en exprimant des paroles qui reflètent ce que vit et exprime l’autre. Vous montrez alors que vous êtes vraiment là pour l’autre et que vous lui offrez votre présence authentique et empathique. Simultanément, vous avez de la bienveillance et de la compassion pour les parties de vous-même qui veulent être bien et qui souhaitent éviter de souffrir. Vous pouvez alors vous amenez de manière amicale, sans créer de conflit interne pour vous-même et de conflit externe avec l’autre. Cela crée ainsi un espace de dialogue sécuritaire et de compréhension mutuelle.
L’investigation de soi: comprendre profondément
Le troisième pilier consiste en l’investigation de soi et des phénomènes, où vous prenez du recul en reconnaissant que vos perceptions, sentiments et jugements sont impermanents, qu’ils ne sont pas «vous». La tendance habituelle du corps et de l’esprit est de se contracter autour de chacune des expériences comme si celles-ci étaient «moi». Combien de fois vous répétez-vous: «Je suis comme ci, c’est comme ça que je suis»? Vous identifiez-vous à vos expériences, à vos envies et à vos désirs — à tout ce que vous affectionnez? Construisez-vous votre «je» en opposition à ce que vous détestez?
L’investigation de soi et des phénomènes consiste à «mettre les points sur les i», autrement dit, à changer de perspective pour vous questionner sur la nature impersonnelle, imparfaite, insatisfaisante et interdépendante des choses. Si toutes ces choses ne sont «ni moi ni à moi», dans quoi pouvez-vous trouver un refuge qui vous apportera une paix et une liberté intérieures durables?
Par exemple, dans un dialogue, vous pouvez prendre du recul en reconnaissant que vos perceptions, sentiments et jugements sont éphémères. Ces états passagers ne sont pas le reflet de votre identité profonde, de votre «moi». Ils sont le produit de causes et de conditions sur lesquelles vous ne pouvez pas agir. Une réponse judicieuse consiste alors à reconnaitre que vous n’êtes ni vos pensées ni vos émotions. Vous pouvez alors vous ouvrir davantage à la complexité de vos expériences et de celles des autres. Cela vous permet d’aborder les désaccords avec plus de compréhension et d’empathie.
Être sur son X: pour aligner ses actions sur ses valeurs profondes
Le quatrième pilier du dialogue en présence implique d’avoir une vision claire des valeurs profondes qui guident vos choix, qui vous inspirent, et qui vous soutiennent à travers les hauts et les bas de la vie.
Quand vous faites face à des défis relationnels, vous êtes en mesure de relativiser les difficultés et de trouver les ressources pour poursuivre à cultiver et enrichir ce qui compte le plus pour vous et pour l’autre. Cela permet de mettre en contexte les situations, de trouver des solutions tout en continuant d’enrichir le lien avec l’autre. Vous êtes plus en mesure d’explorer un vaste éventail de choix et de stratégies avec plus de liberté, de curiosité et d’ouverture.
Par exemple, dans une conversation difficile, en vous rappelant vos valeurs profondes, vous êtes capable de maintenir une conversation constructive même lorsque des désaccords surgissent. Vous savez que vos actions sont alignées sur ces valeurs, renforçant ainsi votre authenticité et votre engagement à trouver des solutions respectueuses des besoins de toutes les parties impliquées.
En conclusion, le dialogue en présence est bien plus qu’une simple technique de communication. Il représente une manière de vivre et d’interagir avec le monde qui favorise la confiance, l’authenticité, et l’empathie. En intégrant les quatre piliers de la pleine présence dans vos interactions quotidiennes, vous pouvez créer des relations plus profondes et significatives, où la communication devient une source de croissance personnelle et collective. En investissant dans ces piliers, vous pourriez transformer vos impasses en opportunités et vos conflits en occasions d’apprentissage. Le dialogue en présence est un chemin vers des relations plus épanouissantes et une meilleure compréhension de vous-même et des autres.